[Clip] Hervé Paul – Puisque la vie continue
Savoir saisir ces petits riens qui, à eux seuls, peuvent changer notre vie. Même lorsque nous sommes en proie au désarroi le plus total, il reste une échappatoire, un moyen de ne pas succomber au malaise et à la dépression. « Puisque la vie continue » voit Hervé Paul déambuler et regarder le monde qui l’entoure, les êtres qu’il croise. De simples plaisirs qui, pour la plupart, seront brefs mais modifieront notre psychisme jusqu’à nous donner envie d’aller de l’avant, quoi qu’il arrive. Les sonorités pop rock de la chanson sont libres, heureuses. La voix se fait toujours plus lumineuse, enjouée. De décors en figures imprégnées par la quête d’une bénédiction ne jaillissant que d’eux-mêmes, « Puisque la vie continue » nous appelle à prendre le temps de contempler, de penser, de retourner la situation à notre avantage. Et y parvient avec force et intimité.
[Single] Rokhe – Man
La singularité instrumentale de « Man » réside dans le son du piano qui, à lui seul, porte les stigmates de l’évolution indicible de l’humanité. Le titre ne se pare à aucun moment d’échos, de sons trop aériens ou dynamiques. Cette ambiance constamment sourde s’imprime en nous comme les pas d’un individu sur le sable mouillé, déambulation solitaire et triste menant à une destination dont nous ne pouvons avoir connaissance. Les dernières notes, implacables et graves, transpirent de désespoir. Rokhe initie une nouvelle forme d’expressionnisme mélodique, terrain mouvant d’autant de pensées sombres que de bouffées d’oxygène qu’il convient de mériter afin d’émerger de l’abysse.
[Single] Protokol – J’dénonce
La chanson revendicative est un art délicat. En effet, il est toujours possible de sombrer soit dans l’exagération des propos et de leur illustration sonore, soit dans une légèreté qui ne lui convient absolument pas. Protokol s’engage alors sur un chemin plus que glissant, mais tire parfaitement son épingle du jeu. Car « J’dénonce » ne se présente jamais sous les formes d’un militantisme politiquement récupérable ou condamnable. Récitant, les uns après les autres, les courants passés et présents qui, rapidement, se sont détournés de leurs objectifs, Protokol redore le blason brisé d’un art traditionnel ancré dans la modernité. Puis, au fur et à mesure de ses constats, nous fait prendre conscience que la tendance actuelle, que ce soit par les réseaux sociaux, les excuses étatiques et les aisances à la ramener sur tout et n’importe quoi, finit par former une matière sans forme ni fond. Dénoncer, oui. Argumenter ? C’est une autre histoire. Un terrain sur lequel il est facile de trouver sa voie, mais que Protokol nous expose bel et bien tel qu’il est : dangereux, souvent inutile et gratuit et, plus que tout, en quête de racines nettement plus solides qu’elles ne le sont dans notre quotidien.
[Clip] Dre Carlan – Hope
« Hope » est un moment unique de sincérité, un remerciement infini à ceux qui, avec amour et tendresse, ont élevé Dre Carlan. Sans chercher à aseptiser sa musique ou, à l’inverse, à trop appuyer ses beats et instrumentaux, le musicien pose quelques harmonies jazz prêtes à accueillir son histoire et le regard à la fois lucide et aimant qu’il pose sur son enfance et son adolescence. Mais le portrait est loin d’être idéalisé : « Hope » n’oublie jamais d’éprouver et de transmettre les difficultés de l’éducation, ses sacrifices et ses conflits. L’éprouvant réalisme des mots de Dre Carlan, ses contes et pages méditées de l’existence et de ses souffrances, résonne de plus en plus intensément au fur et à mesure de sa confession. Tenir, face à l’adversité et aux cauchemars du quotidien et de ses épreuves. Un mot de quatre lettres crié comme une glorieuse et immortelle leçon de vérité.
[EP] SÉRAPHIN – Tout se mélange
Un doux et mystérieux parfum de fin du monde. D’interrogations sur les actes désespérés de l’individu avant qu’il ne soit trop tard. Tout se mélange. La passion, la fureur de vivre et la déliquescence de l’inatteignable. SÉRAPHIN déploie les ailes protectrices d’un avertissement, d’une protection artistique face à l’irrésolu. Les claviers soufflent une brise mettant les nuages sombres de l’issue fatale en mouvement, en transition. La lumière du soleil éclot parfois, subrepticement. Les rythmes cavalent aux côté du chant ; deux éléments emplis d’une dépendance que rien ni personne ne pourra briser. Tout se mélange, réinvente l’univers et laisse germer, au creux de ces cendres émotionnelles et physiques, une relecture de l’urgence. D’un besoin inexorable de saisir, de charmer, d’embrasser. De retrouver les routes du bonheur et de ses secrets trop vite dissimulés. Vestiges de jardins en épanouissement que SÉRAPHIN nourrit par ses poèmes et ses créations.
[Clip] Léo Braunstein – Toujours Plus
Tout est possible dès qu’il s’agit de saisir et d’exprimer l’impact des réseaux sociaux et des sites de rencontres à travers l’art. De l’exagération au refus, de l’addiction à la dissimulation, les caractères peuvent immanquablement se transformer dans l’unique but d’accéder à l’assouvissement du désir. Léo Braunstein s’est penché, pour « Toujours Plus », sur la page vierge qui, au fil de son inspiration et de ses constats, devait parfaitement refléter ses impressions et expositions d’un thème à vif. Son écriture ne cherche à aucun moment à cacher les ambitions de lieux virtuels où l’action se doit d’être rapide et quasiment automatique. De l’hésitation au passage à l’acte, « Toujours Plus » s’interroge, prend peur puis cède à l’appel. La chorégraphie du musicien retranscrit à la perfection ces mouvements psychiques que nous connaissons toutes et tous ; mais, dans le cas présent, ils sont une remarquable performance des circonvolutions de notre cerveau. De la crainte de laisser filer la chance tout en ne bousculant pas les événements. De l’alerte affective, même brève, à la mise en situation. Poésie de ces distorsions émotionnelles, « Toujours Plus » fascine et malmène. Mais, avant tout, se montre d’une troublante et nécessaire utilité.
[LP] Evoking Winds – Bald Mountain
C’est un fait : le black metal révulse beaucoup d’auditeurs, terrorisés à l’idée de se plonger dans un univers saturé et violent, couvert de débris vocaux en fusion et de percussions agressives. Pour nous, la peur suscitée par la découverte d’un nouveau projet issu de cette mouvance est toute autre : aurons-nous droit à une énième et futile répétition ou, au contraire, les artistes iront-ils contempler d’autres rives plus inspirées et cérébralement motivantes ? Bald Mountain fait partie des disques changeant drastiquement notre vision du style, et de la meilleure manière possible. Les créations d’Evoking Winds sont d’une exceptionnelle limpidité musicale, toujours focalisée sur les contes et légendes dont ses membres se sont inspirés. L’opus se mue en un voyage imaginaire, un phénomène de la lutte contre des créatures affamées autant que l’exposition de landes littéraires pour lesquelles les éléments symphoniques accentuent les instants épiques et les transitions entre ses nombreux rivages. Bald Mountain rappellera de nombreux héros de la folk culture à certains ; pour les autres, il sera une démonstration de ce que le metal signifie, quand celui-ci est composé et exposé à sa juste et digne valeur.
[Single] Tiste – L’hiver passera
Pas besoin de chercher le réconfort dans des apparats musicaux trop élaborés ou suramplifiés. Pour Tiste, l’écriture est instinctive, bercée par les auteurs l’ayant amené à embrasser son don autant que par les sensations épidermiques et émotionnelles qu’il intériorise afin de mieux nourrir ses idéaux instrumentaux et vocaux. « L’hiver passera » nous rassure, nous saisit instantanément dans ses bras. Le chant est docile, tendre. Les arrangements de cordes se font constamment discrets mais, dans leur duveteuse présence, laissent monter en nous un réconfort immédiat. La chanson témoigne de ce qu’il est possible de vivre, au moment où l’illusion s’apprête à disparaître. Une affection sincère, juste et rassurante. Un modèle de songwriting dont les audaces et les effets ne font que commencer.
[Single] Sunshade – Le Grand Sommeil (Étienne Daho Cover)
S’attaquer à un monument comme Étienne Daho et, plus particulièrement, à son hymne culte « Le Grand Sommeil », est un défi pour lequel il faut avoir une sacrée audace. Mais, connaissant Sunshade, nous savions que le résultat serait largement à la hauteur. Ce qui est peu dire au vu de cette cover ensoleillée et n’oubliant jamais de moderniser un mythe artistique toujours au sommet, quarante ans après. « Le Grand Sommeil » se transforme en ode pop miraculeuse et prête à accompagner l’été caniculaire qui s’annonce. Le chant est doux, nous enveloppant dans un cocon aimant et tendre, où la sueur perle sur nos épidermes et la douceur d’un repos bienvenu nous étreint. Refuge face aux coups de l’astre solaire, la reprise est une relecture parfaite en tous points et se préparant, autant qu’elle le mérite, à prendre le relais de son vénérable prédécesseur. Pour de nombreuses saisons.