Comment Arnaud et Magix Fingers en sont-ils venus à donner naissance au A.M. Project ? Sûrement l’une des œuvres d’art globale les plus attractives et passionnantes qu’il nous ait été donné de vivre et d’éprouver depuis bien longtemps, le travail du duo demeure constamment axé sur la volonté de lier les médias employés, d’offrir une consistance et une densité à la fois psychiquement motivante et esthétiquement éloignée de toute forme trop rapidement établie. Mais A.M. Project fait également le pari fou d’inclure, dans ses productions, un concept psychiatrique nous parlant à tous : la vision jungienne de l’ombre et de la lumière, de ce qui se nourrit de nos pensées et intentions négatives en complémentarité avec nos actes et paroles éclairés. Un enjeu osé mais qui, dans ses expositions concrètes, n’en finit plus d’amplifier les sentiments et processus auxquels il nous convie.
L’histoire rencontre l’Histoire. Les textes du A.M. Project se focalisent en effet autant sur les contes cruels de l’ordinaire que sur leur rapport avec les événements marquants de notre société, de ses bouleversements et de ses codes soit imposés, soit gagnés durant de longs et éprouvants combats. Pour le clip « Entre ombre et lumière », la douceur d’un foyer aimant se métamorphose en un cauchemar d’une rare brutalité. La mise en scène, implacable, alterne instants de complicité et violence visuelle, au gré d’un montage et d’une progression mélodique qui, à travers les pictogrammes qui l’accompagnent, montent en pression sans que ne nous puissions nous extraire du spectacle auquel nous assistons. Les épisodes qui suivront se présenteront à nous dans le désordre, en inversion de la ligne temporelle. La tragédie est palpable, oppressante. Les scénarios, fouillés et exploités à l’extrême, ne se font jamais trop prévisibles ou inspirés du sentiment de « déjà-vu ». Nous ne pouvons d’ailleurs que vous conseiller d’aller sur la chaîne Youtube du A.M. Project, terrain bouillonnant d’interviews et de making-of nous immergeant toujours plus ardemment dans une tâche de longue haleine, où rien n’est laissé au hasard. La cohérence des titres, la fluidité des courts-métrages bâtissent un univers où nous pénétrons sans hésitation, un environnement tantôt léger, tantôt au bord du précipice. Les fissures et craquelures spirituelles se heurtent à l’innocence. Le yin et le yang se livrent un combat sans merci ne nous laissant jamais indemnes.
Dans un tel marasme mental, vers qui ou quoi pouvons-nous nous tourner ? Là encore, A.M. Project oriente ses sensations et discussions communes avec nous vers l’invisible, vers ce qui nous permet de survivre et, plus que tout, de questionner nos personnalités. « M’entends-tu ici ? » se tourne vers une force que chacun est libre de nommer, qu’elle soit religieuse, cultuelle ou introspective. Ici réside l’essence, la symbiose : malgré nos prises de position et nos déviances comportementales, malgré nos pulsions et les digues psychologiques que nous érigeons, il y aura toujours une bataille, une guerre impitoyable entre nos anges et nos démons. A.M. Project la circonstancie et l’imprime sur nos mémoires vives, sans jamais craindre de heurter ou ravager nos racines. Une catharsis traumatisante et éclatante. Un phénomène du fantasme et du réel, autant que de leurs implacables collisions.
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