[Clip] Talin Maas – Real Image
Le plus difficile, dès qu’il s’agit de sortir des sentiers battus des musiques traditionnelles, est de trouver non seulement un langage particulier et unique mais, de plus, de parvenir à le transmettre à tous les musiciens qui, pour le concrétiser, vont vous entourer et ainsi amplifier l’effet originel. « Real Image » fait partie de ces moments étonnants vous prenant par surprise, au détour de recherches et de découvertes, en imposant une force harmonique et structurelle aussi intelligente que délicieuse. Les alternances de phases jazz et blues se font en douceur, unies grâce au timbre assuré et tendre de Talin Maas, tandis que chaque interprète trouve sa propre voie sur ce fil choral éclatant et chaleureux. Oscillant entre intimité et partage, « Real Image » est un instantané de vie, le tableau mouvant et émouvant d’une communauté au sein de laquelle respect et affection demeurent la clé d’une réussite en devenir. Un plaisir simple et unique, ensoleillé et attirant.
[Clip] Jeunhom – Laisse moi
En un peu plus de trois minutes, Jeunhom synthétise des décennies de chansons d’amour et de ruptures grâce à « Laisse moi », formidable coup de la panne et arrêt immédiat de la relation teintée d’une nonchalance que beaucoup jugeront égocentrique, alors qu’elle est tout le contraire. Malin et charriant ses violences dissociatives autant que ses doutes sentimentaux et charnels, le clip est un road movie ne démarrant jamais vraiment, à l’image du lien sentimental apte à caler alors même qu’il n’a pas parcouru un seul mètre. Du plaisir commun à la manipulation, de l’incertitude à la dépendance, « Laisse moi » s’engage dans un laps de temps incroyablement court au cœur des silences et des nécessités pour aimer, se donner pleinement ou, à l’opposé, renoncer et s’accorder des heures à même de tout changer. Partant de banalités verbales mille fois entendues, Jeunhom déclenche une danse folle et audacieuse du couple, de ses intransigeances et de ses pulsions. Et c’est finalement là que se découvre le bonheur ultime : pourquoi se compliquer la vie, quand cette dernière pourrait être si abordable en la saisissant telle qu’elle s’expose à nous ? La réponse tient en un court-métrage empli de sens et de sensibilité, à méditer et mettre en pratique dès son visionnage.
[Clip] CHELABÔM – CHAOS
Petit retour en arrière avant l’arrivée, le 3 juin prochain, du nouveau clip de CHELABÔM ; et, en parallèle, un mea culpa de notre part, tandis que nous sommes passés à côté du choc artistique que représente « CHAOS ». Débutant par une scène d’une solitaire et triste réalité, le court-métrage va rapidement se mouvoir et devenir entièrement malléable et souple, au point de révéler ses aspérités et convulsions les plus sombres et inattendues. Le surréalisme projeté soudainement sur l’héroïne de « CHAOS » s’ancre à la perfection dans l’inépuisable progression musicale et vocale de musiciens attaquant leurs instruments respectifs avec la même force que ce que nous voyons à l’image. De calmes plats en vagues rageuses et impossibles à contrôler, l’action s’étend et fluctue à la vitesse de la lumière, au cœur d’orages lumineux, d’apparitions cauchemardesques et de tourments éternels. Un Enfer déchaîné et amplifié par les dissonances et emportement de mélodies et arrangements sensibles et nerveux, implosant dès que cela devient inéluctable. « CHAOS » est un Sabbat, un rituel purificateur révélant ses enjeux et remèdes avec la sagesse d’un projet consciencieusement mûri et pensé. Un tableau dans lequel on aime s’enfoncer toujours plus profondément et découvrir ce que nous sommes vraiment, cette révélation demeurant, à n’en pas douter, l’épreuve la plus agressive à laquelle nous serons jamais confrontés.
[Clip] Reboot – Un monde à reconquérir
Certains diront que chaque action, à un niveau individuel, est vaine. D’autres penseront qu’il est trop tard, que nous avons provoqué notre propre perte et que le constat, aussi amer soit-il, demeurera toujours le même jusqu’à l’extinction. Pourtant, « Un monde à reconquérir » pose l’épineux sujet de l’inaction climatique en l’abordant selon un angle rarement employé. Ici, pas de rassemblement d’artistes pour une cause humanitaire, pas de chanson collégiale et encore moins de passivité. Là où Reboot se démarque de ce qui a été accompli avant lui, c’est dans l’interprétation elle-même, amplifiant d’autant plus la multitude d’images qui nous sont projetées au visage. La revendication rock exposée à travers « Un monde à reconquérir » se fait davantage fédératrice, car chargée à 100% d’une énergie inédite, d’une force motrice hors du commun et que l’on ne pensait plus pouvoir ni ressentir, ni découvrir. À tel point que l’on imagine volontiers ce titre alliant souffrance et espoir remplacer les trop nombreux documentaires et autres sommets politiques répétant à l’envi ce que l’individu lambda doit accepter sans autre choix que la renonciation. Un hymne écologique puissant et motivant, revendiquant le droit à la révolte humaine et terrestre en y unissant toutes les générations.
[LP] Solah – Ballades
Au loin, le désert de la solitude et de la perte. Sous les doigts de Solah, la guitare implore un ultime rendez-vous, une chance de retrouver l’être perdu. Travail de deuil passant par de magnifiques reprises au minimalisme poignant, Ballades développe ses effets comme autant d’étapes vers un Paradis que l’on ne peut distinguer qu’en éprouvant la souffrance du deuil. Cette modération de la performance intensifie l’impact des pistes réexplorées et exposées, demandant à l’auditeur une immersion totale emplie de respect et de résilience. Mais au-delà de la mélancolie, Ballades est surtout une œuvre éminemment thérapeutique. La bande-son solaire de souvenirs et de vies à écrire, loin de l’absence et de ces espérances qui nous quittent, nous délaissent, nous brisent. Le choix des chansons originelles et leurs relectures instrumentales se lient intimement, presque comme si le destin les avaient conviées à cet instant précis, dans ce seul et unique but. Solah diffuse alors les parfums réconfortants d’un bain sonore et sensitif salutaire et essentiel. Et nous permet de vaincre la peur du vide et du manque.
Ballades de Solah, disponible le 27 mai 2022 (Cheap Satanism Records)
[Clip] The Colors – Fly Away
« Fly Away » n’est rien de moins qu’une forme d’extase et d’exultation afin d’oublier le pire. Un emportement de l’être humain au cœur d’une fête que l’on souhaite infinie et où les accords et mélodiques rock accrocheuses et salvatrices de The Colors valent tous les anti-dépresseurs et alcools du monde. Une folie brute que seuls les accords psych du combo parviennent à modérer, tout en les rendant toujours plus contagieux pour celles et ceux qui ont la chance d’en témoigner par écran interposé. « Fly Away » est une expédition vers le lâcher-prise, un regard porté non seulement sur un individu dont les paroles décrivent à merveille les tourments intérieurs, mais également sur toute une génération qui, après avoir vécu l’isolement et traversant dorénavant l’incandescence menaçante de la société moderne, s’offre de précieuses heures d’exultation. En projetant ses héros sur le toit d’un monde que nous pourrons enfin distinguer en plein jour, face à un horizon à la fois beau et incertain, le réalisateur Noé Le Texier magnifie, au fil d’un montage parfait en tous points, l’élégance et la furie d’une piste dont on ne parvient plus à se défaire, tant ses bienfaits sont multiples et rares. D’amitiés en dépendances, de complémentarités en partages, « Fly Away » aide chacune et chacun d’entre nous à voler de ses propres ailes, transformant les faiblesses de l’âme en forces infinies.