[Clip] William Papillon – Vagabond
Une prairie vierge de toute présence humaine. En son centre, William Papillon, héros malgré lui d’une solitude dont il s’apprête à profiter afin de dresser le bilan de convenances menant nos pas à la reconnaissance de l’individu mais, au contraire, à son inéluctable effacement. Figure vierge de la soumission aux codes et aux figures imposées, il avance malgré tout, dicte les évidences vides de quotidiens chargés d’habitudes et d’amertumes. Un plan-séquence glaçant et voyant soudainement surgir, devant la caméra précise et narrative de Frédérique Nicole, une obscurité d’abord cutanée puis noyant notre artiste égaré et tourmenté dans une tempête dont la noirceur d’encre nous marque, nous transperce. Du temps perdu à l’illusion, de vains sacrifices à leurs conséquences sur notre psyché, « Vagabond » broie nos corps et nos esprits pour mieux les exposer à la vanité d’un monde aussi cruel qu’abusif. Mais, au-delà de ces ténèbres aptes à métamorphoser les esprits les plus solides, demeure une espérance, une purification une fois que la colère et la révolte auront accompli leurs œuvres cathartiques. Ultime plan, magnifique, d’une lumière personnifiée par la création en tant que guide spirituel unique et vital.
Vagabond de William Papillon, disponible depuis le 27 mai 2022 (Supersavant / Believe).
[Clip] Nour – Il pleut des hommes
Ne jamais se fier aux apparences, surtout lorsqu’il s’agit de l’identité de séducteurs biberonnés à la fausseté ou de playboys émotionnellement fermés autant qu’ils sont charnellement ouverts. Autour de Nour, heure après heure, elle nous avoue son trouble : « Il pleut des hommes ». Au fil d’une action surréaliste, où les visages masculins sont dissimulés et se métamorphosent à la vitesse d’une décharge électrique, le texte expose les tourments, les espoirs, les figures poétiques et imagées d’une vérité exprimée à brûle-pourpoint, le long de vers exigeants et habiles. Nour explore toujours plus cette identité qui la caractérise, ce mélange magique d’abstraction et d’émotion, d’humour et de mélancolie. Et, alors que les mannequins vivants l’entourent et écrivent une partition emplie de douceurs et d’élans harmoniques, elle nous regarde et se confie, nous appelle à lui expliquer ce qui déclenche l’inéluctable et l’inimaginable. C’est bel et bien cela, l’art unique de Nour : échanger, donner et accueillir.
L’élégance des mots crus de Nour, disponible depuis le 25 mars 2022.
[Clip] Armelle LC – Where (the drift)
Il pourrait tout d’abord s’agir d’une bande originale. Celle-là même où la harpe et le chant accompagnent le mouvement des vagues, la lenteur réconfortante de plans aériens apaisants et interrogateurs. Quelle direction prendre ? Faut-il suivre le vent et les courants ? Dans les premières minutes de « Where (the drift) », Armelle LC questionne la nature qui l’entoure et l’humain qui, quant à lui, se voit incapable d’apporter le moindre élément de réponse. Que vaut l’art si celui-ci est vain et mis à l’écart ? Convient-t-il de ne faire confiance qu’aux éléments, à leur sincérité aussi bien qu’à leurs imprévisibles attractions ? Puis, l’agitation s’étend, sûre d’elle, apprivoisant l’univers qu’elle étreint éperdument. La musique se pare de fascinants arrangements cinématographiques, tandis que l’artiste inverse les rôles interrogatifs et affirmatifs. Il faut souvent se heurter aux rochers éternels de la vie pour panser nos blessures et nous relever, pour purifier nos douleurs et nos peines. « Where (the drift) » est le tableau d’une sagesse méditée et interprétée après de nombreuses heures de réflexion et de passion, d’amour et d’espérances.
L@ Dérive (the drift) d’Armelle LC, disponible depuis le 10 février 2022 (Camac Harps).
[Single] Avoriaz – Blue Monday
On ne compte plus les centaines de relectures du hit de New Order présentes sur la Toile, son énergie communicative demeurant intacte quarante ans après sa sortie. Du meilleur au pire, « Blue Monday » traverse les époques et ne souffre d’aucune faiblesse, si l’on en croit son impact aussi bien dans le monde du clubbing que dans celui du rock. Rien que pour ça, il fallait un sacré culot de la part d’Avoriaz, joute musicale regroupant DeLaurentis et Joachim Garraud, pour présenter ce nouveau projet aux sonorités électroniques impactant à merveille nos neurones et nos tissus musculaires. Sous leurs doigts, « Blue Monday » retrouve un éclat inattendu, s’ornant de nappes synthétiques et de vocaux féminins d’une rare douceur pour un tel exercice. La composition, loin de se montrer répétitive, redore le blason de beats trop longtemps usés jusqu’à la corde et transmet à l’auditeur une intensité aussi furieuse que subtile, sans jamais essayer d’ajouter ou d’enlever la saveur de la piste originelle. Le résultat, beau et en équilibre entre lumières scintillantes et obscurité mélancolique, offre une intensité rare et une respiration inespérée à ce qui demeure l’un des summums de la révolution technologique britannique. Essai transformé depuis grâce à une magnifique cover de Portishead et un live à hauteur teneur inflammable au Elektric Park Festival, le 3 septembre dernier.
[Clip] Sopycal – Comment ?
Devant la succession de tragédies exposées par Sopycal, n’importe qui pourrait s’interroger sur son propre instinct de survie et sa volonté d’encaisser les coups, qu’ils soient liés à la personnalité intérieure ou à une vision sociale totalement rétrograde et aisée de l’être féminin. C’est la conjonction de ces deux langages que l’artiste développe admirablement, en moins de trois minutes, avec « Comment ?« , bouleversant court-métrage où se mêlent les cris d’incompréhension et la définition d’une hypersensibilité qui ne cesse d’être interrogée, voire décriée par le commun des mortels. Aveu de faiblesse mis en scène et exposé vocalement sous forme de révolte, ce nouveau titre se pare d’une volonté aussi acérée que rassurante d’affronter les pluies et vents tumultueux de l’existence, à travers une chorégraphie de l’image, du verbe et du corps d’une implacable précision. « Comment ? » traumatise le spectateur avant de provoquer en lui, dans les secondes qui suivent sa découverte, une prise de conscience nécessaire et incitant au hurlement thérapeutique. Ce qui en fait un travail exemplaire, définition parfaite et émouvante de ce que nous cherchons toutes et tous à dissimuler, par peur d’injustes représailles.
[Clip] Hannah Featherstone – Love unconditional
Alors que le magnifique Ode to the Unseen vient de sortir, Hannah Featherstone nous offre le second extrait vidéo de ce qui s’impose comme l’une des pièces maîtresses de l’année 2022. En un plan focalisé sur le visage de la musicienne, « Love unconditional » poursuit les explorations monochromes du déjà magnifique « You Belong », ainsi que la vision tantôt claire, tantôt trouble de ses interrogations et affirmations. De craintes en désespoirs, cet émouvant objet musical et filmique affirme sa pudeur en la transcendant, l’amour inconditionnel devenant une évidente réalité face aux diktats réguliers de la consommation constante de l’autre qui, en un peu plus de trois minutes, se brisent contre la lumière et la brise rassurantes de l’âme sœur. La disparition d’Hannah dans les limbes de l’émotion brute en devient toujours plus impressionnante et nous convie à évoluer au cœur d’une dimension supérieure à la nôtre, là où les peurs de la solitude et du manque finissent par s’effacer et s’oublier. Une source douce et sensible dans le désert existentiel de nos tourments humains.