Une analyse du caractère, une recherche de la définition de l’artiste par et pour sa musique. L’opus de Thomas Perrier n’est pas qu’un simple disque, qu’une unique succession de chansons sans cohérence ou logique. En douze chapitres d’une seule et même vie, des enjeux aux péripéties, des confidences aux emportements émotionnels et psychiques, Au pied de la lettre s’empare d’une narration profonde et revendicative quant à la place de chacune et chacun de nous dans un monde où ce que nous sommes demeure constamment démoli, usé et recyclé.
Des points de repères dans l’obscurité sociale. Le confinement, l’isolement forcé, la prison d’une cellule trop familière. Dans les couloirs, au fil du labyrinthe d’habitudes, Thomas Perrier part en quête de son amour, écrit les lettres qu’il espère, un jour peut-être, confier à sa muse. La contamination se transforme, se mue en une espérance bien distincte du mal causé par le virus. Face aux compositions de Hugues Delevoye, l’interprète caresse, appuie ses colères et dessine la sensualité. Le dialogue est prenant, obsédant. Le verbe, chair à vif et peau satinée, se conjugue à une nature renouvelée, redécouverte. Lui parle, déclame, expose son plaidoyer possédé au commun des mortels. Le vœu de retrouvailles, quand plus rien ne bouge autour de soi. Thomas Perrier use de la solitude comme d’autres peindraient les paysages et les visages du manque. Il crie, décrie, définit.
Au pied de la lettre. De cette missive entre langueur et majesté, entre confession et constat, l’écrivain se métamorphose en encre, en flamme d’une bougie qui, seule, illumine le bureau meurtri de la désolation sentimentale. Pourtant, si l’on en creuse les sillons, les traces d’ongles et les ternes vernis, on y discerne une puissance littéraire rare, une démonstration magnifique et unique de la tendresse et du désir. Un parchemin dont la destinée est ancestrale, dès lors que sa destinataire aura pu y poser les yeux, les lèvres. Il suffit d’un rien pour que tout s’embrase ; et l’essence poétique de Thomas Perrier nous consume, nous réchauffe, nous grise de ses fumées et parfums aussi âcres que subtils. Dialectique élégante et idyllique de l’ivresse sensorielle.
Au pied de la lettre de Thomas Perrier, disponible depuis le 13 janvier 2023 (Estampille Records).