[Groover Time #15] Amorphous Nature, Plastiklova, Déborah Leclercq, LE VOYAGE DE NOZ, Menni Jab, Karen Salicath Jamali, Paul Cardall, Cobalt et Roxercat

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By Raphaël DUPREZ

[Single] Amorphous Nature – Unhinged Oasis

Le déséquilibre d’un havre de paix. La colère gronde, les flammes sont prêtes à sortir de terre et ravager le peu de nature restant à consumer. « Unhinged Oasis » est une pièce orchestrale aux senteurs arides de fumée et de destruction. Le rythme, implacable, porte en lui les essences de ce qui s’apprête à jaillir devant nous, de chœurs en instrumentations aptes à illustrer des scènes de chaos et de guerre dont l’issue semble fatale. Un remarquable tour de force de la part d’Amorphous Nature, expression cinématographique de désillusions environnementales programmées, s’alliant à un imaginaire s’incorporant de façon insidieuse dans les heures les plus dynamiques et fiévreuses du 7e Art.


[LP] Plastiklova – Plastiklova

Pour celles et ceux d’entre vous demeurant peu familiers à la musique électroacoustique, l’album éponyme du duo Plastiklova est une délivrance. En effet, Plastiklova réussit, et de bien belle façon, à rendre ce style artistique totalement abordable, car axé non pas sur l’expérimentation, mais sur l’exploration des sensations. Jamais hermétique, l’œuvre s’ouvre à nos âmes et à nos émotions en leur apportant un soulagement, une impression constante de rêve qui finit par prendre solidement ses marques et nous familiariser avec les créations uniques de se projet éminemment complémentaire. Dialogue épuré et immédiat des percussions et des nappes sonores, le disque permet à chacun de ses chapitres de construire sa propre identité harmonique, tout en approfondissant son parcours sur des temps plus ou moins longs, mais dont chaque seconde compte. Une aventure mystérieuse et mystique, mais à laquelle il nous est impossible de ne pas participer.


[Clip] Déborah Leclercq – Interdit

Essayer tant bien que mal de ne pas céder à la tentation. Se laisser enivrer par ce qui ne devrait plus exister mais perdure, au fil de nos existences. « Interdit » ne s’empêche aucun détournement des ordres abusifs de la psyché. Déborah Leclercq y trouve la source d’une écriture parfaite, charriant à la fois les barrières mentales et les désirs émotionnels. Au fil d’une réalisation tout en mouvement et en douceur, mais n’oubliant pas de soudainement dévier vers la subversion, « Interdit » dévoile, sans aucun fard, les éternelles répercussions et revirements de situation du lien affectif. La puissance visuel de cet instant de gravité et de grâce provoque en nous un impact fulgurant, une apothéose sensorielle, sensuelle et diabolique. La déclinaison sublime et puissante de ce que chacun peut se permettre, une fois que les obstacles ont été franchis.


[LP] LE VOYAGE DE NOZ – Il semblerait que l’amour fut

Il semblerait que l’amour fut est un disque de lutte, de combats menés de front durant plusieurs époques de l’Histoire. En permettant à l’actualité de ces deux dernières années de se confronter à son passé, Le Voyage de NoZ redéfinit l’album-concept en lui insufflant un réalisme qui ne cesse de nous subjuguer et de nous interroger. Au fil d’un rock à la fois abrasif et sensible, le projet s’empare de l’isolement de l’individu et de la privation des sentiments pour projeter la troublante véracité de l’effacement de soi et de l’autre. Revendiquant une liberté égarée durant les transformations de mentalités fracassées sur l’autel de la bien-pensance, le disque est une formidable déflagration, en plus de nous entraîner dans une réelle réflexion aboutissant à une prise de conscience que nous ne soupçonnions même pas avant d’activer la lecture de cette œuvre d’utilité publique. Il ne vous reste plus qu’à vous laisser porter ; et, si possible, à consacrer quelques instants de méditation et d’intériorisation largement dus à cette création splendide et affirmée.


[Clip] Menni Jab – Brûlant

« Brûlant » est certainement ce qui existe de plus impactant sur le sujet délicat du paraître et d’une célébrité que les réseaux sociaux peuvent enterrer du jour au lendemain. Le lyrisme frappant et intelligent de Menni Jab questionne la popularité et ses excès, positionnant son protagoniste dans le tumulte de fêtes aptes à rapidement tourner au cauchemar ou à la disparition. Les variations de la mise en scène, dont les lieux et actions se succèdent afin d’amplifier le sentiment tendu de la chanson, amplifient la sensation de rage et de peur, sans jamais exercer ne serait-ce qu’un seul véritable reproche aux âmes égarées cédant à la tentation. « Brûlant » exulte et se positionne comme l’exutoire idéal de terreurs soi-disant interactives. Et démontre sans faillir qu’il manque l’essentiel pour savourer chaque instant : le respect de l’humain.


[Single] Karen Salicath Jamali – Angel

L’histoire de Karen Salicath Jamali naît d’un miracle, d’un moment crucial de l’existence dont l’artiste est ressortie dotée de nouvelles capacités. À la suite de cette expérience, un don unique lui a été donné, qu’elle ne cesse de mettre en musique et en mots au fil de ses interprétations et apparitions. Dès lors, « Angel Star » résonne comme la présence divine d’une réinvention, d’une découverte insoupçonnable et vénérable. Plus que les paroles trop restrictives de gourous en tous genres ou de faux prophètes, l’expression sensorielle et psychique de Karen Salicath Jamali nous lie à elle et nous rapproche les uns des autres. Une porte s’ouvre vers tous les possibles, tous les secrets que notre cerveau et notre corps possèdent. Plutôt que d’attendre leur irruption, il ne tient qu’à nous de les libérer, dans une beauté et une lumière vives et réconfortantes.


[Clip] Paul Cardall – An Evening In Paris

La concentration du musicien est profonde, admirable. « An Evening In Paris » n’aurait pu être qu’une énième variation de ce que la Ville Lumière inspire aux artistes qui en explorent les merveilles nocturnes. Mais, sous les doigts du compositeur, ce sentiment trop souvent présent et apparaissant maintenant comme une caution émotionnelle se métamorphose en événement unique, sobre et éblouissant. La réalisation se focalise sur l’instant, donnant vie à la merveilleuse œuvre de Paul Cardall et offrant aux autres instruments un langage quasiment angélique. Peu de créations parviennent à attirer les fantômes et muses de la spiritualité devenue art ; « An Evening In Paris » convoque ces formes éthérées durant cinq minutes d’une bienveillance magnifique et mystique.


[Single] Cobalt – Trop tôt

La rupture. Ce thème souvent usé jusqu’à la corde. L’absence et le souvenir, les bonnes résolutions, la souffrance. Des émotions si difficiles à canaliser mais qui, grâce à Cobalt, se font encore plus saisissantes et nous rapprochent de ce que le musicien ressent et exprime. « Trop tôt », comme son titre l’indique, n’essaiera jamais d’embellir ce qui reste pour beaucoup une plongée perpétuelle dans le vide du doute et de la désincarnation. L’histoire contée par Mickael Leroux ne se pare jamais d’évidences vaines et inutiles. Au contraire, le musicien ne tremble pas devant les défis du silence et de la solitude, les embrassant à cœur perdu afin de leur permettre d’annihiler les illusions, les non-dits, les erreurs commises ou subies. Une dérive de l’esprit qui, si elle n’est pas vécue, pourrait immanquablement se fracasser contre les murs épais de la tragédie.


[Clip] Roxercat – Crime

Au fur et à mesure des compositions, Roxercat ne cesse de s’emparer des multiples visages du rock afin de les assimiler et les interpréter selon ces désirs. Pour preuve, « Crime » s’orne de mouvements emplis d’une électricité et d’un groove permettant au chant de s’approprier toute la liberté essentielle à son propos. Dès lors, ne pas obéir à ses envies et ambitions deviendrait un péché mortel, l’appel de démons vicieux et insidieux nous empêchant de nous épanouir pleinement. Par la force de son incantation, Roxercat nous confronte à ces faiblesses que nous finissons trop souvent par considérer comme d’immuables réalités. La phosphorescence du clip le transforme en une catharsis hypnotique, source vive de nos capacités plutôt que de nos inactions. Un pur plaisir dopé à l’adrénaline et à la conviction, qu’il ne nous reste plus qu’à embrasser jusqu’à l’éveil de nos esprits engourdis.