[Clip] Aleef Sheen – Les Filles de l’air
« Les Filles de l’air » est une prison de l’âme, une rêverie douce appelant à l’imagination de l’être mentalement sous écrou. Tout au long du texte, Aleef Sheen invoque puis observe la disparition, le vœu non résolu et vain d’une libération émotionnelle. Pourtant, la musique ne devient à aucun moment triste ou trop mélancolique. Au contraire, elle illumine les feuilles sur lesquelles les mots espèrent, journal intime d’un enfermement involontaire et qui, grâce à l’art, peut enfin s’évader. De mélodies électroniques discrètes en percussions qui sont autant de verrous se fermant violemment, « Les Filles de l’air » entendent l’appel qui leur est confié et, malgré tout, y répondront un jour. Grâce à la patience inné du créateur empli de désir et de volonté, Aleef Sheen s’empare de l’isolement et de la solitude, les grave sur les parchemins du souhait et défie admirablement les illusions perdues.
[Single] Romain Gutsy – Like an Uyghur in China
De répressions en unités, « Like an Uyghur in China » part du postulat trop peu souvent abordé des minorités religieuses et s’y immerge totalement, afin d’y apporter aussi bien une lueur d’espoir qu’un regard universel et fédérateur. Pari risqué pour Romain Gutsy, tant le sujet peut, au premier abord, paraître extrêmement sensible. Mais c’est grâce à un folk teinté de blues et, plus que tout, à son timbre vocal râpeux et en tension que l’artiste réussit à accomplir rien de moins qu’une prouesse revendicatrice hors du commun. Si la damnation guette les persécutés, du moins pour les pseudo-autorités ayant décidé de leur sort sur des fondations d’un autre temps, alors cet hymne peut radicalement changer la donne, pour peu que l’on se décide à y prêter une oreille attentive. Regardant le monde s’effondrer là où les Pères de la Nation se font bourreaux plutôt que régnants, Romain Gutsy use de la douceur pour combattre frontalement les menaces et exécutions des fous de Dieu et de leurs disciples. Plus qu’une souffrance, une délivrance.
[Clip] Them Caged Dogs – Bareboned Feet
Au commencement était le bruit. Cinq secondes de fureur absolue, de tonnerre impossible à contrôler. C’est pourtant ce que vont s’employer à faire les membres de Them Caged Dogs au fil des quatre tumultueuses minutes d’un « Bareboned Feet » hybride et ravageur, s’ancrant tantôt dans le math rock, tantôt dans le noise le plus purificateur et sensoriel. L’expérience est tétanisante. De cassures rythmiques en arrangements synthétiques soulevant les nuages d’un cataclysme en devenir, le titre se déploie sans nous offrir le moindre répit, maltraite les instruments, les lieux et les âmes. Au sein de cette folie pure, un talent unique en son genre émerge, s’éveille et ébouillante nos neurones tandis que nous sommes pris de mouvements convulsifs, d’une crise d’épilepsie artistique dont il nous sera difficile de nous remettre. Et c’est là toute l’intelligence de Them Caged Dogs : malgré la douleur, l’œuvre devient contagieuse et appelle à une expérience infinie, incessante. Une emprise diabolique et, paradoxalement, éminemment curative.
[Clip] Bye Parula – Still Got The Spirit
Un lendemain de fête meurtri, tandis que les ombres de la nuit nous suivent encore et que la réalité se rappelle à notre mauvais souvenir. Le personnage principal de « Still Got The Spirit », élément humain à figure clubbesque, reprend des habitudes qu’il ne pensait jamais devoir affronter à nouveau. Enfermé dans un anonymat que personne ne semble comprendre ou même voir, il avance au fil de la musique de Bye Parula, erre tandis que les mélodies et chants pop folk demeurent sa seule et unique bande originale. Une gueule de métal en lieu et place d’une gueule de bois. Mais au-delà du désenchantement, « Still Got The Spirit » opère, dans sa deuxième partie, un virage nettement plus lumineux, éveillant les ténèbres atteintes par l’âme de notre victime et les chœurs puissants et affirmés de la renaissance. En quelques secondes, tout s’inverse et prend place, différemment certes du fait de ce qui a été éprouvé, mais pourtant de la meilleure des manières. Au cœur de ce ralenti visuel et sonore crépusculaire, l’être se réinvente, se reconstruit. Et s’épanouit encore plus fort, pour de nombreuses célébrations nocturnes.
[Clip] Sarantos – Somethin’ to Believe In
Les chansons d’amour n’ont pas besoin d’être trop embellies ou, au contraire, édulcorées afin d’atteindre le cœur de celles et ceux qui les découvrent. En écrivant la partition pop d’un besoin vital, Sarantos offre aux âmes esseulées un refuge, une prière franche et immédiate, tout en invoquant les immuables réconforts des êtres qui, sur le chemin de l’existence, sont parvenus à se trouver. « Somethin’ To Believe In » n’essaie jamais de surexposer son propos ; il le caresse, le réconforte et l’emplit de sentiments sincères, de mots dont la poésie ne se voit jamais surchargée. Une prose musicale et visuelle qui, dans son immédiateté, fait beaucoup de bien à écouter et contempler, bercée d’un romantisme à fleur de peau.
[Clip] Yack – Ne me laisse pas vieillir
Deux visages. Celui, attentif à chaque moment, de l’être ayant peur de ce qui l’attend tandis qu’il avance inexorablement dans les courants tumultueux de l’âge. Et l’autre, reflet dans le miroir existentiel, de l’individu en constante interrogation sur l’importance du moment présent. « Ne me laisse pas vieillir » est un poème du détail, de l’échange humain inter-générationnel et amoureux. Yack y dispose lentement ses observations, ses obsessions, ses craintes et volontés. Et nous prouve que, finalement, la désillusion de la vieillesse ne demeure que dans notre esprit et ne l’obscurcit que si nous lui accordons une place bien trop encombrante. La chanson devient dès lors un soulagement, une source d’idées aptes à révolutionner nos quotidiens passifs. Ainsi, les ultimes instants du clip se parent d’un message encore plus puissant, d’une vision du départ et de la privation d’éternité comme on en entend peu. Il suffit de choix, parfois simples, souvent complexes. Mais si notre force intérieure s’amplifie grâce à Yack, tout demeure de l’ordre du réel et du palpable. Un chemin de croix que l’on se plaît à emprunter, sans regarder en arrière.