[Clip] Frais Dispo – Juillet
Un immense sentiment de solitude nous pénètre dès que l’on regarde « Juillet ». Mais une question s’impose rapidement d’elle-même : cet isolement ne serait-il pas volontaire, afin de mieux se retrouver soi-même ? Ode à la nature et à la place de l’humain qui ne serait rien sans elle, la chanson de Frais Dispo questionne le temps, sa brièveté, les gâchis que nous avons trop tendance à en faire et les possibilités infinies qu’il nous offre, si l’on se décide à les saisir et les savourer. Les tonalités pop aériennes du titre, amplifiées par la voix douce et envoûtante d’Élie Raymond, nous guident, auscultent nos douleurs et délivrent leurs remèdes. En faisant le choix de quitter le tumulte de la ville, le bruit incessant des jugements et des apparences, Frais Dispo laisse éclater une liberté chèrement conquise, mais dont l’efficacité sur nos propres égarements demeure intacte et profonde. Une autre vie est possible, avec et grâce aux autres. Même à celles et ceux qui ont choisi, pour leur propre salut, de s’en éloigner. À nous de nous nourrir de cette énergie essentielle et millénaire.
[Clip] BUKOWSKI – One More Time
La cellule dans laquelle évolue BUKOWSKI tout au long de « One More Time » peut donner lieu à une multitude d’interprétations. Est-ce une projection de son esprit ? Un rêve ? Un enfermement psychique lié à la maladie mentale ou à la solitude ? Ou, plus simplement, une conséquence des erreurs humaines ? La réponse viendra par le chant, unique, sobre et magnifiquement écrit. Poésie de la cause et de ses impacts sur le vécu, « One More Time » dresse un bilan amer et juste des fautes et des questions qu’elles posent, sans qu’il ne soit jamais trop tard pour les réparer. Un trip pour lequel le compositeur ne ressent aucune forme de culpabilité, demandant même à recevoir une dose supplémentaire de ce plaisir certes puissant, mais aux effets limités. Dès lors, les images prennent sens, éclatent tandis que le monochrome ne quitte jamais le visage, les yeux, les contemplations. Toujours plus, pour oublier et ne rien ressentir. Face au danger de la dépendance, BUKOWSKI éteint les lumières d’un chemin trop fade et plat, cherchant constamment à s’éradiquer pour ne pas sombrer dans l’abîme. Enveloppé de douces mélodies pop et R’n’B, il se régénère volontairement dans le secret de son âme. Se protège. Dans ses ultimes secondes, la vision se fait plus lumineuse. Rien n’est égaré sur la route dangereuse de l’état second. Tout peut arriver, si l’on éprouve un tel envoûtement dans le réel.
[Clip] Loa Frida – goodbye
Loa Frida précise bien, dans la description de « goodbye », qu’il ne s’agit pas d’une protest song. Et cela devient un élément primordial de ce que la chanson et le clip vont développer durant cinq minutes : l’idée du constat, sombre et amer, d’une planète que l’homme semble s’amuser à détruire égoïstement, sans intervenir ni dénoncer quiconque. Pari risqué, car beaucoup seraient capables de facilement cataloguer l’artiste comme une femme passive face aux défis des générations futures. Cependant, une telle conclusion serait bien trop rapide ou réductrice. En effet, « goodbye » se sert de l’émotion et de la puissance des mots pour agir dans le cadre qui lui est donné. La balance se fait alors, immanquablement : de la douceur mélancolique du titre s’évade un parfum de bois brûlé, de diesel et de sels lacrymaux. « goodbye » est une définition, un exposé de ce qui est. Sans doute la plus précise et marquante, au passage. La racine du mal expliquée et maîtrisée, ce qui amène le spectateur/auditeur à une prise de conscience beaucoup plus forte que n’importe quelle condamnation violente ou militante. Car, pour comprendre les effets, il faut apprendre et savoir (ce qui rend l’exposition des paroles au moyen du bandeau « breaking news » encore plus saisissant). C’est ce que nous offre, au moyen de ce poème visuel et mélodique éprouvant et magnifique, Loa Frida. Une essence naturelle qui, si l’on s’en imprègne, mènera aux actions les plus efficaces.
[Clip] Jérôme Legrand – Lettre à Abby
Le deuil. L’absence. La perte. Et, tandis que la famille est touchée par la tragédie, le regard des proches se sent impuissant, incapable de franchir la barrière séparant le lien filial de celui, autre, de l’amitié profonde. Le défi de Jérôme Legrand est immense : écrire, pour Abby, la lettre que son père lui aura laissée avant de disparaître. Exercice infiniment triste, éprouvant, en équilibre sur le fil ténu de la sagesse et du réconfort. Un écart, et l’enjeu bascule dans les profondeurs de l’incompréhension. Mais « Lettre à Abby » ne cède jamais à la facilité de mots trop usés, de phrases faciles ou banales. C’est, avant tout, une œuvre emplie d’une compassion rare, d’un rôle accepté par son auteur et qui lui tient à cœur, pour Abby, pour l’être sur la voie de son dernier sommeil. Soudain, la chaleur. Le sourire. Le dépassement du chagrin. Des lignes scripturales aux illustrations simples et innocentes, Jérôme Legrand semble possédé par le Frère qu’il a, lui aussi, vu s’éloigner. Ce qui laisse exploser un amour infini, que rien ni personne ne pourra jamais briser. Les boucles mélodiques, en s’intensifiant au fil du verbe, dilatent admirablement les sentiments et défont délicatement le nœud dans l’estomac des endeuillés. Il existe un proverbe peu connu, mais magnifique : « Une personne disparaît vraiment quand son nom est prononcé pour la dernière fois. » Grâce à « Lettre à Abby », Jérôme Legrand engendre l’immortalité, la veille sur les anges demeurés ici-bas.
[Single] Justine Sletten – Dandelion
La pop mélodique de Justine Sletten ne revêt qu’un seul et unique but grâce à « Dandelion » : exprimer l’alchimie se manifestant entre deux êtres tombant éperdument amoureux. Sans chercher à trop embellir ses mélodies, elle préfère aller immédiatement au fond des choses, dans des arrangements doux et profonds, portés par un chant digne d’illustres prédécesseurs. À la seule différence que « Dandelion » est un poème du moment, une ode à ce qui provient du cœur lorsque celui-ci se met à battre à tout rompre. Une vision qui, quand elle est à ce point maîtrisée et inspirée, nous laisse totalement sous le charme. Justine Sletten s’inscrit dès lors parmi les conteuses sentimentales les plus précieuses et uniques de son époque, grâce à une écriture narrative coulant aussi naturellement que le ruisseau émotionnel le long duquel elle nous entraîne avec elle. Une lumière vive, captivante et splendide, durant trois minutes de plénitude et de tendresse.
[Single] Jade Ashtangini – Arashiyama Bamboo Grove
Un chemin sans fin, où la nature reprend ses droits. Un lieu unique, au nord-ouest de Kyoto. Et, tandis que nous marchons dans la forêt de bambous, la musique de Jade Ashtangini nous guide, nous montre les éclats du soleil entre les feuilles, les couleurs miroitantes de cet endroit qui, sous les doigts de la compositrice, devient notre refuge. Il est souvent difficile de transmettre la sensation indescriptible qui nous étreint lorsque nous découvrons un paysage jusqu’alors insoupçonné ; pourtant, la limpidité de l’interprétation offre un miroir inattendu et réconfortant d’Arashiyama, de ses teintes, des mouvements qui la font vivre. Un voyage dans l’histoire, au fil des époques que ces branches centenaires ont regardé passer, sans intervenir mais en s’imprégnant de leurs senteurs et de leurs héros à jamais perdus. On aime s’égarer au coeur de « Arashiyama Bamboo Grove ». On y vénère nos sentiments les plus profonds, les figures disparues qui s’y sont reposées. Puis, lentement, grâce aux touches scintillantes de Jade Ashtangini, l’énergie monte en nous. Différente. Vibrante.