[Clip] Frères Parish – Animal
Le principe fondamental de ce furieux « Animal » est d’une intelligence à faire pâlir nos élites : inscrire l’évolution de l’humanité et de la société en parallèle de celle, plus précise et fondamentale, de l’individu dans son milieu naturel. Aucun darwinisme pour les Frères Parish ; le constat est sans appel, vicié de l’intérieur par faute de principes et d’acceptation de la prédation originelle. Dès lors, les traits de caractère de nos autorités et, par effet pyramidal, de nous-mêmes, se voient démystifiés, déracinés et exposés à nos figures sous forme de gifle visuelle et vocale dont l’impact va forcément laisser des traces. Prenant à bras-le-corps la destruction des intuitions et des pressentiments, les Frères Parish déclament habilement et frontalement les déviances, les sorties de route et les ravages de l’interdiction de tout discernement logique. Violent et tempétueux, porté par une réalisation dont les couleurs et les projections murales sont toujours plus impactantes, « Animal » nous secoue dans tous les sens pour qu’enfin nous ayons la volonté de nous réveiller et de nous élever. Faire, ne plus subir. Et consumer le mensonge et la passivité qui, face à nos écrans de fumée, nous ont trop longtemps maintenus dans la torpeur et le je-m’en-foutisme.
[Clip] ENO – Amnésie
Au départ, on pense à une piste mille fois entendues, basée sur un instrumental aux tonalités R’n’B et un groove vocal dont les effets vont immanquablement dissimuler la véritable personnalité de son créateur. Pourtant, lorsque le refrain se met à retentir, à résonner, on comprend rapidement que cette « Amnésie » est bien moins inoffensive qu’elle n’y paraît. Embrassant désespérément le manque et l’absence, ENO crie la rupture, la malaxe psychiquement pour mieux l’analyser, la comprendre et en sentir les symptômes au plus profond de son âme et de son corps. Porté par des arrangements sonores dont la progression et la justesse le complètent à la perfection, chaque détail ayant son importance au cœur du résultat final, l’interprète fige le temps et y écrit ses souvenirs, ses incertitudes et leurs conséquences sur le lendemain, sans jamais essayer de voir au-delà ou de se morfondre. En quelques instants, « Amnésie » revêt sa signification, sa raison d’être : un hymne au bord de l’abîme, une créature artistique fragile et nue, ne s’égarant jamais dans l’aisance ou la plainte. Tandis qu’il serait plus facile de s’arrêter à la cause, le poète explore les incidences et se les approprie, puis les partage avec son auditoire, non pas pour y chercher du réconfort, mais parce que c’est incroyablement nécessaire. Tout se conjugue, se transmet. Nous nous prenons à répondre, à endurer. Et à reconnaître nos traits au fil des extraits sur pellicule et des atmosphères grises et mélancoliques d’une ode intelligente et méditée comme il est rare d’en rencontrer dans un genre bien trop hermétique.
[Clip] EXIT MUSIC (FOR A FILM) – A Radiohead Cover
Vous trouverez plusieurs dizaines de covers du fameux « Exit Music (for a film) » de Radiohead sur YouTube et consorts. Certaines vous parleront, d’autres vous laisseront indifférents. Parfois, même, vous en aurez assez de ces reprises, vous considérerez que le titre a été beaucoup trop essoré pour parvenir à vous maintenir concentrés, concernés. Mais, à d’autres moments, il suffira d’un effort, d’une communion artistique, pour que votre point de vue change. La rencontre de Megane Rymland, Bernard Cabarrou et Nicolas Kauffmann était faite pour exister, autour de cette source originelle risquée mais, ici, magnifiquement transcendée. Sur les visages, pas de grimaces inutiles, d’effets ou de fausses apparences. Les musiciens sont là pour rendre hommage sans se mettre en lumière. Pour faire exister leur relation au sein d’un splendide noir et blanc nous conviant à leurs côtés. Une formule simple mais qui, en progressant, se fait continuellement puissante, tétanisante. On se prend à se sentir auprès d’eux, à avoir peur de tomber dans le vide de la redite. Un exercice d’équilibriste que les harmonies viennent titiller, toucher du bout de doigts meurtris. Atteindre cette sortie, cette issue, se mue en défi. Sans les autres, aucun des interprètes n’a de raison d’être. Et c’est dans cette union que la magie illumine, explose. Que les vibrations de l’univers nous transpercent et font frémir nos épidermes. Elles sont pures, vraies. De la souffrance, on se sent passer à la révélation. À la transformation. Quelques larmes qu’on ne veut pas cacher, tant l’expérience est belle, bouleversante, palpitante.