[EP] Hundreds – Recover
L’art de la reprise est très souvent périlleux, passant parfois même totalement à côté de son sujet. Dans le cas de Hundreds, la démarche se montre beaucoup plus focalisée non pas sur la musicalité elle-même, mais sur l’adéquation liant les quatre chapitres de Recover et leur influence sur le projet, au fil des années. En résulte une collection cohérente et sensible de pistes délicates, où sonorités électroniques discrètes et voix amplifiant l’état second de l’auditeur le laissent peu à peu entrer dans l’univers mystérieux et impénétrable de Hundreds. Témoin des évolutions culturelles par le prisme du son, Recover s’arme de patience et de tendresse pour les sujets qu’il écrit à sa façon, expérience unique et délicieuse nous rappelant que, même si beaucoup a déjà été fait, tout reste à inventer.
[Clip] Kinga – Something’s Gotta Give
« Something’s Gotta Give » est le genre de chanson qui, immédiatement, immerge l’auditeur nostalgique dans des sonorités de la fin du XXe siècle rappelant la richesse musicale de cette période malheureusement révolue. Avec une nonchalance teintée de génie pur, Kinga dévoile une pop sensuelle et énergique mâtinée de dance, à même de nous faire lever de nos sièges et nous retrouver à ses côtés, le temps d’une chorégraphie improvisée qui, à n’en pas douter, laissera des traces dans nos esprits libérés. Le clip, alliant humour et visions politiques passéistes, nous incite à devenir les espions d’un événement se produisant devant nos yeux et dans lequel nous nous retrouvons mêlés, à notre corps consentant. Ce que contient la valise que transporte Kinga pourrait bel et bien être une arme de destruction massive, enflammant en quelques millièmes de secondes les pistes déjà fumantes de clubs à nouveau ouverts et bondés. Ce qui est, ne nous en cachons pas, un vrai plaisir !
[Single] Jade Ashtangini – Feel the Breeze
Émergeant de l’océan, « Feel the Breeze » invoque les déités des mondes perdus et les mouvements tectoniques pour donner naissance au vent, doux et caressant, qu’il mène vers nos visages. Lentement, Jade Ashtangini convoque les éléments, les réunit et leur offre leurs rôles dans la progression du phénomène naturel. Des profondeurs aux bords de mer, « Feel the Breeze » se lève, doucement, tendrement. Les variations de ses harmonies contiennent en elles les molécules de l’apaisement, les uniques tonalités nécessaires à la saveur du silence et de la contemplation. Immobiles, nous laissons Jade Ashtangini frôler nos épidermes. En nous invitant à ces éternelles secondes de bien-être, la compositrice continue l’exploration de sa dépendance vis-à-vis de la Terre et de l’univers qui, par ses mains et sa pensée, trouve une expressivité affectueuse et réconfortante.
[Single] Phil Fortin – Champ de Ruines
« Champ de Ruines » dresse le constat de la destruction après la bataille, des débris encore fumants de bâtiments pulvérisés par un phénomène non identifié. Une guerre, peut-être. Une invasion issue de ce monde ou d’ailleurs, certainement. Les percussions darkwave de Phil Fortin saccadent le pas et amplifient l’atmosphère suffocante d’un terrain laissé à l’abandon, alors que la violence vient de s’abattre sur lui. Résonnant sous les décombres, le titre laisse apparaître une reconstruction de l’impossible, au-delà de la noirceur inhérente au délabrement et aux ravages vécus de l’intérieur et exposés au grand jour. Il règne ici une odeur de poussière, de soufre et de décomposition. Une friche sur laquelle, malgré tout, Phil Fortin reste capable de puiser l’inspiration, quitte à nous entraîner dans une folie douce perturbant nos capacités mentales. Avec une précision et une concision rares, il se met en quête des vivants et prie pour les cadavres. Tétanisant. Foudroyant.
[LP] Radion – Megamix
Megamix porte parfaitement son nom, à de nombreux égards. Puisant aussi bien dans les cultures électroniques naissantes des 80’s, là où le terme lui-même a fait ses premiers pas, qu’au fond des pulsions modernes de la musique club, Radion dessine douze étapes de décennies affolées par l’urgence de la danse et le besoin vital de laisser aller nos membres et nos esprits sans aucune limite. De la jungle à la techno, le compositeur livre un testament sonore complexe et réfléchi, une définition intemporelle de ce qui nous a menés aux progrès actuels. Or, sans ces éléments essentiels, rien de ce qui existe n’aurait pu avoir lieu. Rappelant d’où nous venons et ce à quoi nous aspirons, Radion se fait le porte-voix de la pluralité des styles et des expérimentations, avec un naturel désarmant et audacieux.
[Single] O’Bear – Smalltown Kids
« Smalltown Kids » est une éclipse. Une planète en dissimulant lentement une autre, signe annonciateur d’une modification moléculaire prête à se produire. O’Bear explore ses inspirations cinématographiques à travers une musique extraterrestre, dont la douceur et les nappes d’abord graves puis éblouissantes enracinent la seconde partie du titre dans une terre nouvelle et productive. Au centre de son système solaire, le piano se mue en une créature dont nous suivons l’évolution, l’apprentissage de la connaissance. Les images mentales que « Smalltown Kids » insère en nous sont autant des souvenirs de films éternels que des instantanés de nos existences personnelles, les deux culminant en une sensation unique et poignante.
[Clip] Agathe – Witches Boom
Finalement, tout est histoire de possession. On se laisse emporter par l’alcool, la drogue, l’ambiance, le pouvoir de séduction, l’attraction. On sent les basses monter en nous, faire battre nos cœurs toujours plus vite, plus fort. Et, à quelques pas, la tentation demeure, tapie dans l’ombre, dans le noir et blanc. Le démon guette, prêt à surgir. Il sommeille mais n’est jamais loin. Il reste à l’affût, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Des regrets, nous en aurons. Du plaisir, même fugace, aussi. Avant tout, « Witches Boom » explore les ténèbres de l’âme et les pulsions, l’extase dans l’oubli de soi. Il alterne sagesse et explosions diaboliques, venimeuses. Il se nourrit des substances, des hallucinations, du lâcher-prise. Agathe regarde, cachée dans les recoins de la scène, les événements. Programmés, inéluctables, impossibles à fuir. Le temps de se demander pourquoi aura sa place, demain. Pour le moment, il faut exulter, agripper le vide et la semence. Il faut entrevoir, derrière les autres, la créature idéalisée. L’absolution. Si notre vie se résume à une succession d’expériences aptes à nous construire tels que nous sommes, « Witches Boom » synthétise toutes ces douleurs et tous ces exutoires. Une virée fantastique, décadente et pulsionnelle qui nous saisit, nous suffoque, nous fascine.
[Clip] Adèle Coyo – Les orages
Réagir. Ne pas succomber à la colère, à la rémission. Ne pas laisser l’autre s’enfuir, sans un mot, sans une tentative de rester, quitte à affronter les éléments et les foudroiements. « Les orages » sont un signe, un cri d’effroi et d’espérance. L’écriture d’Adèle Coyo, fine et intense, parcourt les méandres de pensées diluviennes, de phénomènes intérieurs oscillant entre le rayonnement et la tempête. Des ombres de nuages invoqués et qu’on ne désire pas affronter ou fuir, la chanson suit les étapes d’un lyrisme démuni, alarmant. S’il faut passer par la violence du verbe, qu’il en soit ainsi. S’il faut brusquer le destin, rien ne sert de fuir cette responsabilité. Toujours mieux, toujours plus. Mais ensemble. De reproches en silences, « Les orages » clame la possibilité d’un plaisir perdu. D’un ouragan devant rugir afin de laver les tourments, les non-dits et les habitudes tenaces. Et révéler se qui germe, sous la poussière du défaitisme.
[Clip] Inès Fluor – Tes caresses
« Tes caresses » nous ouvre les portes d’un culte pacifiste de la tendresse et de l’amour. La conjonction d’âmes pour lesquelles le sentiment ultime n’a rien d’impossible, tant qu’il est chéri et protégé aussi intensément qu’il le faut. La chanson lumineuse et douce d’Inès Fluor, ses pulsations liquides et légères apportent un canevas précieux et libérateur à la chorégraphie que nous regardons et apprenons, ensemble. Dans une liberté absolue de dévoilement et de révélation, la chanteuse dépasse l’innocence et emmène l’émotion à son point culminant, là où rien ni personne ne pourra l’abîmer, la dénaturer. « Tes caresses », prière affectueuse et respectueuse, élargit le champ des possibles de l’adoration et de la délicatesse. Un souffle pur, intense, bienveillant.