[Clip] American Bully – Black And Blue
Savoir s’effacer lorsque le moment est venu, afin de se protéger et de ne pas – trop – souffrir. « Black And Blue » maquille ses peines de cœur en une comptine dont l’innocence instrumentale dissimule bel et bien la souffrance imparable que traverse American Bully. Plus le temps s’écoule au fil de la chanson, plus la sensation de devoir plutôt que vouloir est prégnante. Mais, avec sagesse et humilité, American Bully se met en retrait, posant sur les pages encore vierges de son journal intime les premiers vers d’une poésie de la finalité et des décisions qu’il convient de saisir et d’accepter.
[LP] Poisson de l’aube – Moquette bleue
Moquette bleue n’est pas un album donnant dans la facilité. En effet, son expressivité instrumentale et vocale aime chasser sur des terres encore vierges, quelques part entre le punk et les douceurs plus apaisées de musiques insulaires. Les dialogues entre section rythmique, guitares et cuivres amplifient d’autant plus cette sensation prégnante, mais parfois prête à laisser imploser le trop-plein de délicatesse. Ce qui offre à Poisson de l’aube la capacité unique de faire ce qu’il veut, quand il le veut. L’alternance du chant en espagnol et en français achève de troubler les repères et octroie ainsi une liberté de mouvement dont les conséquences sont électriques et étonnantes. Moquette bleue dissimule bien son jeu, et c’est exactement ce qui le rend unique et inaltérable, passant de l’absurde au génie en un claquement de doigts.
[Clip] CALICE – Eternity
La fin de vie, ce sujet si épineux et pourtant essentiel dans notre société actuelle. Comment l’aborder sans mobiliser une levée de boucliers imméritée ? Comment la définir à raison, du point de vue de celles et ceux se sachant au bout du chemin ? « Eternity » parle pour les êtres que nous oublions trop souvent dans ce débat houleux. CALICE évoque leurs choix, leurs rêves, leur nostalgie. Mais, plus que tout, leur compréhension immuable de ce qui se passe, ici et maintenant. Quand l’âme tient plus que tout à quitter le corps et vivre ses ailleurs sans douleur ni outrage. « Eternity » est une ode au temps, à ses origines et à ses issues. Un passage de témoin dont la sagesse et l’intensité pourraient bel et bien bouleverser les comportements d’individus si peu concernés par l’affection et le respect que beaucoup demandent et méritent.
[Clip] Lina Gervasi – Now we are free (from « Gladiator »)
Difficile de s’attaquer à un monument de la musique de film comme le Gladiator de Hans Zimmer et Lisa Gerrard. Pourtant, Lina Gervasi nous offre une version à la fois respectueuse et unique de la chanson épique et originale ayant porté le long-métrage de Sir Ridley Scott lors de sa sortie, et dont la renommée continue à grandir plus de vingt ans après. Interprétant « Now we are free » au theremin, Lina Gervasi démontre une capacité à travailler son matériau originel pour en fournir une relecture mêlant délicatesse de l’interprétation et puissance orchestrale de l’accompagnement. Un travail et une technique fabuleux, redorant toujours plus le blason d’une œuvre immortelle.
[Clip] NAïFiC – Lettre à France
Au fil des décennies, Michel Polnareff a constamment expérimenté de nouvelles sonorités et d’imprévisibles horizons techniques afin de parfaire son sens inné de la composition et de l’écriture. Tandis que ce dernier préfère, aujourd’hui, livrer une réorchestration minimale de ses plus grands succès, NAïFiC marche sur ses traces novatrices et nous offre une « Lettre à France » que l’intéressé ne pourra certainement pas renier. Car les effets et arrangements électroniques employés ici ne réduisent pas la performance à une simple cover ; c’est bel et bien une réinvention et une appropriation du matériau originel qui se développe pour nous, alliant synthés profonds et rythmes portés par des glitches versatiles et audacieux. La mécanique de ce « Lettre à France » futuriste demeure imparable et fascinante, ses battements cardiaques pulsant toujours plus fort, 45 ans après sa naissance.
[LP] Vhinz – Belvédère
Chacun est bien sûr libre de penser ce qu’il veut, mais en ce qui nous concerne, il nous semble évident que la French Touch si chère aux pays anglo-saxons est malheureusement en train de s’émousser. Ce qui était, en son temps, un magnifique terrain d’expérimentations rythmiques et mélodiques, d’atmosphères divines et célestes, devient une ombre s’étirant, contre son gré, sous le soleil pesant du easy listening. Mais il arrive parfois que, sans prévenir, un album vienne radicalement remettre les idées de toutes et de tous en place. Belvédère s’imprègne d’électro minimale mais jamais dénuée de sens. Dès que les beats délicats et cristallins s’éteignent, des nappes de claviers tout en velours et caresses pénètrent nos épidermes et nous replongent dans cet état second que nous chérissons tant et qui nous manquait cruellement. Vhinz s’approprie les couleurs d’une nature morte à laquelle il insuffle une énergie régénératrice et précise, fruit d’un travail aussi méticuleux que sensitif. Il ne tient qu’à vous d’aller immédiatement en découvrir les infinis secrets et pouvoirs.
[Single] Margaux Heller – À nos amours lasses
Tout fait sens à l’écoute de ce magnifique et intime « À nos amours lasses ». Avec un sens de l’écriture et du rythme verbal précis et sans concession, Margaux Heller développe les sensations et évocations de la lassitude menaçante d’un couple en perdition. Les mots résonnent, vibrent au rythme d’instrumentations légères mais contenant, dans leurs accords profonds, une mélancolie sous-jacente et obsédante. La clarté de la voix, ses variations imprévisibles et en adéquation avec le thème qu’elles développent, emmènent « À nos amours lasses » vers les périlleux sommets de la chanson française. Et y trouvent un équilibre admirable, un terrain fertile à l’insatiable et sensible poésie de Margaux Heller.
[Clip] WOoodZ – Losing a friend
Se sentir immobile face à l’absence. Sans regrets ni doutes sur ce qui a été et ce qui sera, « Losing a friend » pose un regard lucide et nostalgique dont la portée émotionnelle n’en est que plus grande. WOoodZ parvient à tracer les contours d’une pop à la fois rêveuse et ancrée dans la réalité, où la tendresse et la solitude se répercutent tant dans les mélodies que via l’écran. « Losing a friend » ne se complait jamais dans un isolement trop poussé et naïf ; il raconte les événements et leur impact tenace sur le corps et l’esprit, leur présence immuable et mélancolique prenant vie à l’intérieur de ce que nous sommes, ici et maintenant. Les images psychiques se bousculent mais ne saturent jamais l’espace sonore et visuel, preuve évidente et essentielle de l’art unique de WOoodZ, de ses confidences comme de ses certitudes.
[Clip] Vincent Khouni – La Vallée
L’évocation du souvenir intarissable de « La Vallée » se fait toujours plus profonde au fil des miracles musicaux et visuels prodigués par Vincent Khouni. De l’ivresse ayant mené à la relation aux conséquences de l’absence et de la perdition, la chanson se pare d’une interprétation dont les animations et dessins projettent les images mentales d’un artiste épris d’écriture et de poésie. Toute cette brillante inventivité se met au service d’une tragédie sentimentale qui, sans l’éclat apporté par le compositeur, demeurerait bien trop banale ou classique. Les mouvements pop et éthérés de « La Vallée » nous entraînent dans un voyage spirituel et émotionnel intense, lumineux et d’une densité narrative de plus en plus palpable et identifiable. Un miracle de douceur et de spleen, méritant une place de choix dans nos âmes et nos cœurs.