[Single] Holding Hour – Icarus Emerged (Alt Version)
Une déflagration. Non pas de celles qui, lorsque leur charge électrique se fait surpuissante, terrasse tout sur son passage. Dans le cas d’« Icarus Emerged », tous nos sens entrent en éveil. De la réaction épidermique aux frissons constants le long de notre colonne vertébrale, l’œuvre de Holding Hour traverse une incessante multitude de sensations et d’émotions. De la mélancolie à la colère, de l’affection à la béatitude, « Icarus Emerged » se répand en nous tel le poison essentiel à notre guérison. Les saturations nous sidèrent puis se fondent en nous avec une troublante évidence. Le chant implore la réincarnation de l’être s’étant auparavant brûlé les ailes et nous avertit pour que nous ne fassions pas de même. Pourtant, le phénomène volcanique en cours et sa propension à s’élever vers l’astre céleste effacent toutes nos convictions et idées reçues sur le rock et le shoegaze. Grâce à la fluidité et à la clarté de son interprétation et de sa production, ce single effervescent nous hante, et pour longtemps.
[Single] St Franck – Balearic Dreams
Rarement, le phénomène d’ensoleillement musical aura été aussi prenant et évident que pour « Balearic Dreams ». Le poème brûlant de St Franck, sa capacité à explorer sonorités 80’s et modernité des mélodies et de la production en font le partenaire idéal de nos soirées estivales. Mais pas que. En effet, ce single docile et mélancolique contient en lui une déstabilisante habileté artistique finissant par ne l’inscrire dans aucun courant connu ou trop souvent relu et réinterprété. « Balearic Dreams » est unique. Ses mouvements ondulants et vagues synthétiques illuminent le dancefloor tandis que la soirée vient de franchir le cap du lever de lune. Séducteur et sincère, St Franck entre en piste et attire chaque être vers lui. Pour de mémorables instants et d’inoubliables souvenirs, dont « Balearic Dreams » demeure l’indispensable bande-son.
[Single] Wonderland – I Ask You
« Road To Destruction » nous avait déjà conviés à pénétrer l’univers tumultueux et nostalgique de Wonderland. Mais cette première rencontre n’augurait en rien la prise de risque que représente, aujourd’hui, « I Ask You ». Hymne pop dont les fulgurances du piano et de la section rythmique le mettent face à de glorieux aînés des 80’s (Billy Joel et Elton John en tête), ce single aux doux parfums de glam et de soufre voit ses effets considérablement s’amplifier au fur et à mesure des écoutes, notamment dans la performance vocale dont les questions-réponses chorales en font une œuvre aux mouvements incessants et uniques. Preuve supplémentaire de la curiosité artistique et de la dévotion totale de Wonderland, « I Ask You » soulève les foules et fédère toutes celles et tous ceux cherchant, durant de nombreuses minutes, un plaisir fou et addictif.
[Single] Simón – Why I
Des formes musicales. Des nappes synthétiques profondes, une atmosphère aussi douce que mystérieuse. « Why I » se confie, se révèle. Au fur et à mesure de ses explorations émotionnelles et mélodiques, Simón dépasse le cadre trop réducteur des styles, que ce soit dans certains élans R’n’B ou au fil d’intentions pop douces et mélancoliques. « Why I » est un objet fragile dont nous contemplons les débris sur le sol, après son inexorable fracture. Il est le processus de renaissance de l’idylle, de revitalisation des fêlures. Un Kintsugi magnifique dont nous ne pouvons détacher ni les yeux, ni le cœur.
[Clip] David Cranf – Nénuphar
Dans un cinéma de quartier sans âge, nous sommes assis face à la toile. La lumière s’éteint. Sans prévenir, « Nénuphar » s’ouvre à nous, fissure l’écran nous séparant de ses protagonistes. L’osmose est totale. Les cors graves rugissent, tapis dans l’ombre. Le film muet d’une intense divagation émotionnelle déroule sa pellicule et nous consume. Dans un labyrinthe de verdure, les protagonistes masqués semblent errer sans but. Se perdre, nous perdre. Un vague-à-l’âme obscur, tétanisant. Impossible, pour nous, de faire le moindre mouvement ou de laisser nos yeux quitter le court-métrage. Œuvre maudite et fantomatique, sculpture visuelle spectrale et sépulcrale, « Nénuphar » offre à David Cranf les plaques métalliques froides de visuels usés et impossibles à restaurer. Désignation de la rupture et de l’inéluctable tentation de sombrer dans les ténèbres de l’âme humaine, la chanson éclate de mille et un feux tantôt brûlants, tantôt de glace. Les échos nous hantent, nous obsèdent, nous terrassent. La musique paraît infinie, chant terrible et éprouvant provenant d’un univers souterrain où la folie guette et attend son heure pour mieux jaillir et nous saisir. Sans issue. Implacable. Et, pourtant, tellement beau et fascinant. « Nénuphar » est un effort, une souffrance. Mais, au-delà de toute noirceur, une éblouissante révélation.
[Clip] Lisalou – Origami
Pour beaucoup, « Origami » demeurera, au moment de sa découverte, un fascinant mystère. De ses images stroboscopiques à son texte dont la poésie demeure étrange et rapidement addictive, la chanson de Lisalou offre un effet miroir de l’enlisement dans la crasse solitaire des blessures sentimentales et humaines. « Origami » fonctionne dans deux sens bien définis et essentiels : son pliage savant, tout d’abord, puis la façon dont il convient de le découvrir en explorant ses multiples strates et la méthode employée afin de lui donner corps et vie. Folie incandescente dont les circonvolutions percutent nos boîtes crâniennes et nous font régulièrement chuter auprès de Lisalou, cette étonnante et effervescente piste musicale nous pousse vers le glissement, puis l’élévation. En boucle. Par ses intonations électroniques et ses mouvements de danse tantôt électriques, tantôt lancinants, « Origami » nous transforme en créatures de papier qu’un rien pourrait annihiler ou consumer. Une œuvre dont les sensations hybrides et indélébiles collent à nos âmes autant qu’à nos certitudes et confiances auto-proclamées, avant de mieux les renverser et les remettre à leur place. Là où tout peut basculer et nous immerger au plus profond du malaise et de l’insalubrité sensitive et mentale.
[Single] Sixpin – Wasted
Rien ne résiste à l’addiction. Ni nos convictions de pouvoir nous en sortir, ni nos volontés rapidement ébranlées. Sixpin les connaît et les embrasse, quitte à se consumer de l’intérieur du fait de leur redoutable et imparable férocité. « Wasted ». Usés jusqu’à la moelle, pourris au plus profond de nos tripes. Le son est sec, âpre. Le cri se mue en supplication, en défiance. Il demeure impossible d’exprimer la souffrance autrement que par l’abrasion sonore de cette chanson incandescente et sale. Même le chant clair, lueur dans les ténèbres bitumeuses de la confidence et de l’ultime espoir, hurle sa douleur et les répercussions anxiogènes de la dépendance. « Wasted » explose, brûle, détruit. Il réfléchit nos pires cauchemars et ouvre la porte à nos démons engloutis. Ceux-là mêmes qui, dans l’obscurité, sont toujours prêts à jaillir. Et à nous tirer vers le fond, sans aucune échappatoire ou rédemption.
[Clip] Bleu Reine – Sighisoara
Pénétrer le lieu. Effacer toute temporalité de l’image et du son. Laisser la découverte mystique nous happer et révéler ses mystères et réalités spirituelles. « Sighisoara » n’est pas un voyage comme les autres. Il est un vécu, une expérience sensorielle et psychique. Il est le cheminement d’une artiste en quête de sagesse et de mystère. Il est l’apesanteur, le vol d’une créature pour laquelle la Terre n’est que le support de l’enveloppe charnelle. Bleu Reine danse, joue et dicte ses pensées et rêves aux instruments. Elle invoque plutôt qu’elle ne chante. Elle dérive et s’enivre, pas après pas, suspendant son souffle et son interprétation aux lèvres d’une cité lointaine dont les places et les tours nous encerclent et nous fascinent. « Sighisoara ». Une errance roumaine catalysant nos souffrances et nos quêtes incessantes de profondeur émotionnelle et corporelle. Une prière païenne pour elle, pour nous. Un dépassement de l’être. Une lumineuse initiation.
[EP] READY TO PASTE – With Each Breath
With Each Breath est une suffocation. La performance en apnée d’une musique pour laquelle chaque inspiration relève de la souffrance, de l’étouffement physique et mental. Au fil de six chapitres balançant entre trip-hop et hip-hop, READY TO PASTE fait de l’art vocal et instrumental le transmetteur neuronal d’une prise de conscience. Celle de nos faiblesses et de nos soumissions, de nos burn-out en devenir et de nos peurs les plus enfouies. Les basses sont graves, oppressantes. La voix nous obsède, s’insinue vicieusement dans nos esprits et dénoue les câbles de nos systèmes en alerte. With Each Breath est un monolithe, la sculpture mouvante d’arts enfin libérés. De l’électronique à l’organique, de la pesanteur à la respiration, l’œuvre s’enracine au cœur de notre environnement puis nous incite à la vénérer, à la respecter. Et à nous emparer de ces dislocations sonores dont le pouvoir de conviction demeure inéluctable. Un opus protéiforme et fascinant, dont il sera difficile – voire impossible – de nous remettre.