[LP] Mykalle – Da pacem
Aucun besoin d’appartenir à un culte particulier, à une religion prédestinée. Simplement écouter, dépasser les barrières et les obstacles de croyances parfois trop restrictives. Da Pacem s’imprègne des cultures, des instants et prières les plus cruciaux des âmes humaines qu’elle embrasse. L’album est lumineux, évanescent. Mykalle a travaillé en profondeur ses mélodies et arrangements mais, au-delà de tout, ses lectures et cérémonies de la luminescence. Elle parvient, grâce à dix titres dont la puissante beauté évolue au fil des volontés et des consciences, à invoquer des forces au-delà du réel et de la connaissance. Parfois ancré dans la tradition, d’autres fois transfiguré par ses pouvoirs surnaturels, Da Pacem use de l’électronique et de l’organique avec une formidable dextérité. Un art de la méditation et de l’unicité de l’être, dans ses énergies les plus introspectives et rayonnantes.
[LP] Evening Ocean – The Great Love
Simplement, laisser le vide nous happer. Écouter, lors de notre lente chute, les sons réconfortants tout autour de nous. The Great Love. Une ambition qui, pour beaucoup, semblerait démesurée, inaccessible. Pourtant, Evening Ocean parvient à saisir les souvenirs et les instants de passion profonde, à les intégrer dans les bouleversements psychiques de nos vies désespérées. Toute l’instrumentation de ce disque alliant magnifiquement éclat et mélancolie, que ce soit au fil d’un piano lointain ou dans l’immensité de plages synthétiques phosphorescentes et cristallines, finit par transpercer nos cœurs et nos âmes. Par tenir notre main tandis que nous tombons et que plus aucune volonté ne nous anime. The Great Love vibre, éblouit. Peu à peu, nos enveloppes charnelles se délitent, s’effacent. Ne demeure que l’esprit, vivant et revigoré. Un album-songe ne laissant personne indifférent.
[EP] West Wickhams – Vivre Sa Vie
Le son étouffé d’un rock noir 80’s ressuscité d’entre les morts. Le conte cruel et mortifère d’êtres en déliquescence, marchant tête basse tandis qu’une pluie acide se déverse irrémédiablement sur eux. Vivre Sa Vie pourrait tout aussi bien signifier le contraire de son postulat de départ. Pourtant, la musique de West Wickhams est continuellement charnelle, cathartique. Ses ténèbres avides de nos âmes en souffrance s’insinuent dans nos dépressions et nos déconnexions neuronales pour mieux les soigner, les purifier. Glauque sans être au bord du gouffre, Vivre Sa Vie mène un combat de tous les instants contre l’infortune. Au fil d’un minimalisme aiguisé, cet obscur objet du désir se montre soudainement indispensable à nos jours débordant de condamnations, de malédictions et de solitudes. Et contient en son sein ces uniques solutions : la folie ou l’extase. Chacun choisira l’un ou l’autre, mais nombre d’entre nous s’y abreuveront immanquablement des deux.
[LP] Liv Eli – The Struggle For Peace Of Mind
Toute l’ambition de ce nouvel album de Liv Eli réside dans son titre. The Struggle For Peace Of Mind devra se battre pour exister, pour laisser l’artiste et les êtres auxquels elle donne la parole s’extraire du cocon étouffant de leurs misères incessantes. Les sons s’y fondent en une matière noire dont les atomes sonores inquiètent puis réconfortent, à leur seule et unique manière. Rien ne sonne comme une évidence dans cette œuvre maudite et en constante quête d’humanité. La voix de Liv Eli explore l’indicible, les ténèbres, les peurs les plus aiguës. De rythmes désespérés en vagues harmoniques sépulcrales, The Struggle For Peace Of Mind tente, à corps perdu, de répondre à ses enjeux. Et y parvient, lors d’une traversée des Enfers d’où nous émergeons, sentant en nous l’autre, le vivant. Tout ce que nous pensions ne plus pouvoir éprouver. Ces petites morts auxquelles Liv Eli offre une incroyable reviviscence.
[Clip] Mathieu Saïkaly – Tu restes
Retrouver, l’espace de quelques précieuses secondes, les fantômes du passé, qu’il soit proche ou lointain. « Tu restes » fait un choix ne permettant aucun retour en arrière : celui d’abandonner l’autre, toujours avide d’une existence unique et entière, en s’effaçant et en ne laissant que la blessure, le manque. Mathieu Saïkaly n’aura jamais été aussi émouvant qu’à travers cette chanson de la déperdition, de l’absence. Ses délicatesses acoustiques, sa voix au bord du murmure trouvent une évocation radicale et magnifique grâce au clip troublant et intime d’Anne-Sophie Bine. Chaque image enlace les vers mélancoliques et éprouvants du compositeur, délivrant dès lors un sentiment d’entièreté, d’intégrité dans la souffrance et la disparition. « Tu restes » est un bouleversant au revoir. La transparence d’une fatalité où victimes et coupables se retrouvent une dernière fois, image figée du temps et de sa cruauté.
[LP] ALBA – 3
C’est bel et bien le grain de folie d’ALBA qui ne cesse de bouleverser nos idées reçues, nos affirmations vides et nos espoirs laissés au bord d’une route sans destination ni issue. Ses chansons en apparence légères sont, en effet, bien plus fortes et insidieuses qu’elles n’y paraissent. 3 invite rythmes dépaysants et harmonies ludiques et minimales dans la création d’une œuvre emplie de sens, de réalité. Tant et si bien qu’elle ne s’inscrit dans aucun courant, sinon le sien. Le temps que nous ne rattraperons plus, les croyances inutiles ou vaines, les comptines pop d’individus solitaires sur lesquels l’âge garde une empreinte tristement indélébile… ALBA s’extasie et, soudainement, se replie en elle-même pour mieux dessiner les écrins de ses héros ordinaires enfin dévoilés au regard fuyant de nos passivités. 3 nous guide vers un ailleurs au creux duquel la bienveillance défie l’égoïsme et la cruauté. En équilibre au-dessus du vide, l’artiste regarde droit devant elle, faisant ainsi taire les voix sauvages et malfaisantes de nos esprits nombrilistes. Le sacre du « JE » et la défaite du « MOI ».
[EP] COMBES – Rivage
Une intro nous rappelant immanquablement « Echoes » de Pink Floyd ; comme si Rivage devait s’inscrire dans un espace-temps où aucun point de repère ne nous retient. La piste instrumentale nous permettant de pénétrer au creux même du tableau dessiné par la poésie douce et humaine de COMBES ne nous laissera pourtant pas croire que nous sommes en terrain connu ; en effet, l’EP divague au fil des pensées et sensations du compositeur, de ses rencontres avortées et de ses dépendances affectives, tant envers les lieux qu’il narre délicatement que pour les êtres qu’il y croise. Rivage se décline en couleurs pastels, en teintes chaudes et caressantes. Il est l’œuvre de la tentation et du ressenti, le travail limpide d’un créateur ne se lassant jamais de vivre et d’écrire. Ce voyage que nous partageons à ses côtés modifiera à tout jamais nos définitions de l’amour, de la tendresse, de la solitude. Mais il est empli d’une émouvante et accueillante bienveillance, loin de tout spleen exagéré ou de pertes de nos sens et de nos idéaux. Un acte de foi à saisir, à chérir, à préserver pour l’éternité.
[LP] Fabien Anselme – Continuum
Une cinématique de l’intime. Une diction instrumentale et orchestrale du tangible, de la passion, de l’affection. Fabien Anselme n’est pas un compositeur ordinaire, uniquement axé sur la réaction de l’auditeur. Pour lui, les lieux, les êtres, les vibrations existentielles sont autant de voix que de sources vitales d’inspiration. Continuum est un défilé de caractères, de sensations où les mélodies immortalisent l’individu et tout ce qui l’entoure. Le disque porte un regard profond et intelligent sur le monde et ses énergies autant que sur celles et ceux qui le font tourner. Ses sonorités électroniques immortalisent les instantanés du quotidien et les amplifient avec sagesse et admiration. Continuum se plaît à inscrire des repères auxquels nous pouvons enfin nous raccrocher lorsque tout semble hors de contrôle. Ciel et terre se confondent et nous offrent une assise d’où nous pouvons contempler, les yeux grands ouverts, les merveilles éternelles de nos vies illuminées. Une intense espérance. Une voix pour des milliers d’autres préférant se taire et méditer.
[LP] Buzhold – What It Meant?
Le rock de Buzhold est charnel, urgent, à la limite de la folie pure. What It Meant? ne se pare jamais d’atours inutiles, d’arrangements trop simplistes ou d’encombrantes inspirations. Pour faire plus simple : le disque est un concentré d’adrénaline pure, n’oubliant cependant pas de freiner des quatre fers afin de mieux nous percuter, nous foudroyer. C’est ce mélange de précieuses fulgurances et de moments lents mais constamment en équilibre instable qui achève bel et bien de nous faire comprendre que What It Meant? est un cadeau tombé d’un ciel orageux. Tout y évolue constamment, écrase, éprouve, déstabilise puis finit par laisser paraître une énergie nouvelle et régénératrice dans nos cellules passives et sans vie. Buzhold rebâtit le rock et ce qu’il se doit d’animer au fond de nos âmes perdues. Une œuvre de bruit et de fureur, de charmes obscurs et de plaisirs interdits.