[Single] Murgida – SOLITUDINE
Chacun de nous essaie, durant toute sa vie, d’éviter le regret. De ne pas regarder en arrière, de transformer ses erreurs en les décrivant comme étant la faute des autres et jamais la nôtre. Ce qui, finalement, approfondit dangereusement la solitude dans laquelle nous nous immergeons nous-mêmes. Recensant ses ambitions passées et leurs conséquences futures, Murgida n’hésite à aucun moment à contempler ce qu’il a fait, ce qui l’a mené là où il se trouve, parmi ses semblables et hors de leur société. De la morale à la fatalité, de l’erreur à la conclusion logique et implacable, « SOLITUDINE » se confronte à une possible rédemption, au baume capable de guérir tout en laissant d’ineffaçables cicatrices. Il n’est jamais trop tard ; mais les vibrations psychiques, les tourments, les errances aux confins de malveillances reconnues et marquantes, imprègnent la confession unique d’un artiste ne dissimulant jamais ni qui il est, ni qui il aspire à devenir.
[Single] Cabbagetown Mystery – The Sea
De réminiscences jazz en élans blues, parcouru par un groove lumineux et aquatique, « The Sea » est un chapitre musical dont on ne cesse de tourner les pages sans jamais savoir ce qu’il nous réserve. Porté par une interprétation où l’écoute est le socle fondateur d’un art bercé entre précision et improvisation, le travail de Cabbagetown Mystery demeure constamment admirable, tandis que ses membres contemplent le monde qui les entoure, tant socialement que politiquement, tout en essayant d’y comprendre leur rôle et leur place. Une mission qui, pour le commun des mortels, semblerait difficile ou vaine. Sauf que, dans le cas de « The Sea », les vagues vocales duveteuses et pénétrantes qui nous caressent et nous éveillent se font sans aucune violence, mais bel et bien par une acuité sensorielle difficilement comparable. Tandis que d’autres hurleraient leur rage, leurs concepts étriqués d’une anarchie datée ou, pire encore, leurs velléités révolutionnaires antédiluviennes, Cabbagetown Mystery éveille les consciences en même temps que les sens. Un discours doux, serein, mais dont la puissance et l’impact psychique ont mille fois plus d’effets que ceux des individus précités.
[Clip] Orilia – Le monde est à Nous
Une division. Celle des pensées, des sentiments, des désirs et des réalités. Lorsque le refrain de « Le monde est à Nous » s’amplifie, notamment par l’intermédiaire de cordes merveilleusement travaillées et composées, l’espoir revient. Pourtant, rien n’est acquis dans les premiers émois vocaux d’Orilia. Il demeure une matière qui ne demande qu’à être comprise avant de s’exclamer, de retentir. Sans jamais chercher à embellir, par une poésie qui desservirait son propos, les mots qu’elle exprime et écrit, la musicienne étreint chaque facette d’une personnalité en quête de repères pour ne pas sombrer dans la fatalité ou les écueils du paraître. Toutes ces interrogations, tous ces maux explosent dans un cri libérateur, là où les mélodies et le chant entre en osmose et tendent vers la révélation. Acceptant le statut de guide spirituelle qu’elle s’est imposée à travers sa confession, Orilia appose les mots essentiels à la définition d’une génération percutée de plein fouet par un quotidien où l’on peut facilement s’effacer. Et parvient à nous atteindre, quels que soient nos âges et nos idéaux.
[Single] Emmanuel Abat – origin
« origin » nous offre, sans crier gare, une certaine idée de la musique électronique. Inspiré par de nombreux courants ayant traversé les décennies, Emmanuel Abat cherche avant tout à créer un univers qui lui ressemble, sans pour autant user et abuser des influences. Le résultat est sans appel : porté par des mélodies savamment orchestrées et des rythmes percussifs tout en demeurant doux et spontanés, sa création se mue en une expérience aussi nostalgique que futuriste. De ces notes et harmonies découlent des paysages terrestres et astraux, des mondes parallèles venant s’insinuer dans le nôtre, tandis que l’expérimentation sensorielle va en s’accentuant et en nous transportant à son bord. Ce vaisseau dont les tonalités cinématographiques sont évidentes et précieuses cache une ambition simple et immédiate : le plaisir de reconnaître, enfin, que l’art de l’artifice dépasse les âges dans lesquels ils sont trop souvent enfermés. Une véritable prouesse, que les albums du compositeur poussent dans leurs plus fascinants retranchements.
[Single] Abeam – La Chimère
L’obscurité d’un mystère. Les visions fantasmées d’un idéal, d’une vérité cachée sous des couches solides de ténèbres. « La Chimère », sous les doigts et à travers le timbre d’Abeam, est autant une créature idyllique que la révélation cauchemardesque de ce qui se dissimule de l’autre côté du miroir. Plus l’étouffement se fait sentir, s’impose et nous serre les tripes, plus la souffrance devient libératrice. Les guitares nous oppressent, les mélodies lointaines se fondent en un ciel menaçant. Mais au-delà du désespoir, nous distinguons les ailes bienfaitrices de la délivrance. Le chant éclate, prie, implore. L’ascension vers ce calvaire incertain est affamée, insatiable. Nous devenons les êtres d’une seule et même chair, les proies avides d’une liberté innommable mais ô combien nécessaire. La terre tremble, les vibrations de l’univers ouvrent le portail menant aux landes froides et désolées d’une espérance sans vie, sacrifiée. Par le souffle humain, en nous libérant des prisons de nos carcasses à l’agonie, Abeam élève devant nos yeux la clé du royaume existentiel. Celle qu’il nous faut saisir avant l’agonie. Celle d’une effervescence sonore et sensorielle qu’il sera désormais impossible d’ignorer ou d’oublier.
[Clip] Le Spectre & Lewca – Gaslight
La fête est avide, amère. Sous ses faux airs de catharsis humaine, « Gaslight » enflamme autant les esprits que les sens. Ce qui pourrait n’être qu’une énième évocation de la révolte se transforme, violemment mais nécessairement, en un constat âpre et malin de la déviance sociale, des écarts politiques menant à la résistance. Et, comme le prouvent Le Spectre et Lewca de la plus vicieuse et viscérale des manières, elle demeure en nous, y compris lors de nos relâchements physiques et mentaux. L’uppercut est d’autant plus impactant qu’il calcule au millimètre près les effets qu’il va produire, tant dans la ténacité et la puissance de paroles sans fioritures qu’à travers une musique charriant folie douce et furie en équilibre instable. Tout peut basculer à n’importe quel moment, et c’est bien cela que nous attendons sans oser l’avouer. « Gaslight » trouble la vision étriquée de l’individu, s’insinue dans les angles morts et finit par occuper tout l’espace, visuel comme vital. À nous de franchir les limites de l’écran et de nos vaines décences afin de militer, à corps et à cris.