Les vides de l’existence, les lieux déserts d’espaces que l’homme pensait s’être appropriés, géographiquement autant que socialement. Des principes supposés régir les vies de chacun d’entre nous, mais dont les failles, abandons, exemples portés aux nues puis jetés dans le caniveau de l’Histoire. Paris Orly les voit, muni d’un sixième sens qu’il met en paroles et musiques pour les exposer à nos yeux trop rapidement clos et aveugles.
D’espérances éphémères en désillusions préprogrammées, Dans les espaces intermédiaires se nourrit de l’amertume afin de dénaturer les faux progrès et autres figures tutélaires servant d’exemples superflus au commun des mortels. De sa musique électronique minimale et sanglée aux textes par des chaînes froides et corrosives, Paris Orly détourne les étoiles et fait tomber la foudre au milieu de la fête, quand les drogues médiatiques se consument et ne révèlent même pas l’ombre d’un squelette argumentatif. De beaux songes se transformant en fulgurantes réalisations de la supercherie, fondations majeures d’une indispensable interrogation humaniste.
Paris Orly use de modes harmoniques antiques pour, justement, replacer ses phases et phrases dans le contexte de leurs naissances. Qu’il s’agisse du chemin tout tracé et idéaliste de « Paris match année 68 » ou de la mécanisation psychique admirablement mise en avant sur « Mes pensées automatiques », piste charnière d’une œuvre en questionnement constant, l’artiste crée un paradoxe malin et efficace entre la légèreté des instrumentations et la gravité de son discours. Dès lors, les promesses futuristes d’ères disséquées en notre présence s’ancrent dans la possession matérialiste inspirant une rébellion erronée (« Malaguti 50 Olympique ») puis, au fil d’une conclusion solennelle et marquante, se voient illustrées comme les mystifications qu’elles projettent d’une décennie à l’autre (« Quelle étrange affaire »). Il y a quarante ans, Dans les espaces intermédiaires aurait été un disque prophétique ; en 2022, il est une conséquence absolue de nos manquements à la philosophie existentialiste et, on l’espère, un éveil pour ne plus reproduire ces mêmes écarts de conduite et éviter, s’il n’est pas trop tard, l’accident fatal.
Dans les espaces intermédiaires de Paris Orly, disponible depuis le 19 mars 2022.
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